Maëlle Straum
Pervertie
Je me suis réveillée
après un grand trou noir.
La chair sanguinolente,
la paupière défaite.
J'avais baisé un mur,
toute la nuit durant.
Toute la nuit durant,
j'avais baisé un mur.
J'ai léché le béton armé.
La langue contre
sa matière rêche,
Mon con au précipice.
Je l'ai baisé toute la nuit.
Je n'ai rien trouvé d'autre.
Rien ne répondait à mes attentes
ou alors peut-être un corps inerte,
bien mort.
J'ai baisé un mur par solitude
ou par misanthropie.
Plus aucune exaltation
n'est possible.
Le vivant m'exaspère.
À longueur de journée,
je baise ma chaise,
ma table et mon buffet.
Je les possède.
J'use la matière.
Je la dégrade.
Plus de trace humaine.
Plus aucun stimuli ne m'attire.
De sujet à objet, la relation est fluide.
Je n'ai pas besoin de négocier
mon désir. Je l’exécute.
Le froid de la matière
engourdit mes mains,
endolorit mon corps,
me rappelle
combien ma solitude est nécessaire.
J'accueille toutes mes bizarreries.
Mes envies ne sont plus tolérées
ou alors juste en fiction :
ce dont je m’accommode très mal.
Seul le concret de la matière
m'est acceptable.
Je rejoins la société
à travers ses rebuts,
ses objets délaissés
dans les rues.
Je me suis réveillée
après un grand trou noir.
La chair sanguinolente,
la paupière défaite.
J'avais baisé un mur
toute la nuit durant.
Toute la nuit durant,
j'avais baisé un mur.