Maëlle Straum
Le ventre - performance, danse et théâtre d'objet (2003)
Le Ventre est une création hybride née des arts de la marionnette, du théâtre, de la performance, de la danse et des arts plastiques. Le texte de Jean-Michel Rabeux avance une philosophie clownesque, fragmentée et paradoxale, sur la relation entre corps et esprit. Les mots sont avancés, déglutis sans psychologie.
Cette performance se déroule par tableaux successifs: séquences d’expérimentations sur une biologie mutante. Elle explore les états organiques de l’humain en le mettant à nu avec tout ce qui l’altère. Ici tout est sujet à transformation (objets, costumes, corps, mots) : il n’y a pas de séparation entre animé et inanimé, entre organique et prothétique.
Le corps est transposé dans une matière métamorphosable (boules de latex transparent). Ses métamorphoses aux instants uniques et éphémères, présentent un corps morcelé et indiscipliné, sans identité figée.
Les interprètes mènent un dialogue sensible avec la matière: cellules organiques et technologiques en recomposition permanente. Elles cherchent à travers elle toutes les possibilités de leurs corps, poussent les limites biologique ou de genre, le délivrent de ses frontières. Les limites incertaines entre intérieur et extérieur sont alors épuisées.
Le corps, macroscopique, perd son unité comme pour mieux se refaire. Trois partitions sont réunies pour le re-visiter : une vocale, une organique et une prothétique. Toutes sont matières sculptables. Le corps est traité comme un matériau qui se modèle lui-même, un corps qui se cherche, hybride. Il remet en question nos habitudes, bouscule nos limites physiques, à travers la contorsion, la prothèse, l’extension. Il adopte des postures construites en fonctions de pulsions intérieures et met en valeur l’intelligence de l’organique. Un autre corps émerge alors, celui qui est généralement mis de côté, refoulé.
Les êtres nous livrent ainsi notre propre intimité: le ventre, impureté des commencements. Ils interrogent le refoulement de l’organique, de sa décomposition, de sa putréfaction, de ses pulsions... Toutes sortes de flux corporels quotidiens (sang, salive, excréments), leurs productions sonores, sont transfigurés à travers cette matière transparente et lumineuse. Fantasmes de merde glorifiée.
Passés au latex, sous pellicule clinique, mutants, artificiels, désincarnés: les êtres existent ils vraiment ? Ils remettent en question le principe d’un corps “naturel” et forment une combinatoire entre la réalité et l’artificialité des chairs.